Il n’y a pas de grand pays sans une agriculture résiliente et circulaire
Il y a lieu de paraphraser le Président Macron (« Il n’y a pas de grand pays sans une agriculture puissante ») pour bien comprendre les défis auxquels le monde agricole français fait face aujourd’hui.
Le constat est terrible : un paysan se suicide chaque jour dans notre pays, premier producteur européen. Cela nous concerne tous, car sans paysan, pas d’agriculture et sans agriculture, pas de souveraineté alimentaire, pour reprendre l’appellation du sommet qui s’est tenu mardi 18 mai à l’initiative de la FNSEA.
Alors que cette « Semaine Nationale de l’Agriculture » s’achève, on se prend à nouveau à espérer dans l’efficacité du législateur qui, en juin, nous promet-on, va régler le problème. Comment ? Par un effort louable consistant à remettre au cœur du sujet l’exploitant agricole : ses coûts fixes devront être quantifiés et les prix de ses produits déterminés de telle sorte que son revenu redevienne décent. On applaudirait bien l’initiative si elle ne rappelait pas les nombreuses tentatives infructueuses de la loi, de ces 25 dernières années.
J’ai eu la chance de participer, au début de ma carrière, au « service après-vente » ô combien délicat de la « Loi Galland » et de ses suites. Et depuis un quart de siècle, la question de la répartition des bénéfices agricoles entre exploitants, distributeurs et producteurs agro-alimentaires reste un problème non résolu. Au risque de choquer, on peut affirmer qu’il est une raison simple à cet échec : le problème est insoluble. Sauf à changer les paradigmes du système entier.
Car les produits agricoles ne sont pas assez chers. Cette affirmation peut faire frémir, si l’on pense aux 20% de Français qui ne peuvent pas, selon l’IPSOS et le Secours Populaire, manger trois fois par jour. Elle n’en est pas moins vraie. En l’état actuel, les structures de prix et de coût ne sont simplement pas suffisantes pour satisfaire à la fois aux justes exigences des exploitants et au reste de la chaîne de la valeur. S’ajoute à cet équilibre précaire les exigences du consommateur dont les achats alimentaires ne représentent plus qu’une petite partie du panier moyen de consommation. Ces derniers ayant été phagocytés par les équipements électroniques et les articles de mode.
Bien sûr, il faut aussi garder en mémoire qu’il est compliqué d’augmenter les prix de ces produits dans l’économie ouverte qui est la nôtre. Sinon ce sont les produits espagnols, marocains ou indonésiens qui occuperont la place, tandis que nos agriculteurs ploieront chaque jour un peu plus sous le poids des difficultés économiques.
Alors, que faire ? Il faut changer de système ! Il n’est pas rare d’aboutir à cette conclusion à seule fin de « noyer le poisson », car « changer le système » s’avérant le plus souvent impossible, on en restera à l’affirmation de ce vœu pieux. Sauf qu’en l’espèce, des solutions existent dont le maître mot est : M-U-T-U-A-L-I-S-E-R. Mutualiser les diagnostics, la recherche de solutions, l’investissement et les conditions de ventes. Et surtout déployer une agriculture résiliente, circulaire, durable. Pas juste de niche, pour tous. Un compromis entre le parfait et l’outrance (des pesticides, des épandages, du carbone, des pollutions cachées qui coûtent très cher à nos systèmes de santé…).
Les solutions techniques pour cette agriculture existent ; elles sont à cultiver, pour faire monter en qualité environnementale nos produits et cela à prix inchangés ou au juste prix de la qualité. Pour ne plus jamais réitérer ce douloureux épisode des néonicotinoïdes ! Nous aurions dû en 4 ans d’énergie collective trouver l’alternative nécessaire à la betterave…
Fermes verticales avec une moindre empreinte, insectes pour des apports protéinés, drones, engrais bio-efficaces respecteux de sols et de l’eau, valorisation des co-produits pour maximiser la valeur des ressources, méthanisatio, gestion assistée par satellite, nouvelle gestion des sols tout cela est possible, connu et d’ailleurs déjà breveté dans certains pays, dont le nôtre, mais en proportion très insuffisante.
D’évidence, cela nécessite de forts investissements initiaux, financiers mais aussi en formation, qu’un exploitant agricole ne peut tout simplement pas se permettre.
C’est pourquoi il est indispensable que les acteurs privés se mettent ensemble autour de la table et réalisent qu’ils ont un intérêt commun.
Les distributeurs, les banques, les producteurs agro-alimentaires doivent épauler l’exploitant, aider à sa formation, assurer et planifier sur plusieurs années les débouchés. Et cette démarche doit être considérée comme un investissement à long terme qui bénéficiera à l’écosystème entier. Xavier Niel l’a bien compris avec le lancement d’Hectar, son école agricole high tech gratuite. D’autres vont suivre.
Notre ambition, chez (RE)SET, est de les aider dans cette démarche nouvelle, la seule qui puisse rendre notre secteur agricole et alimentaire résilient, au-delà des rafistolages législatifs périodiques, nécessaires mais qui ne font que sanctionner les échecs successifs.